l'instant Décalé #11
L'instant Décalé
Présenté par
Olivier
Episode 11 : 22 Septembre 2017
La Marine Fluviale
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"La marine fluviale, c’est
quoi que ça, qu’on se demande un peu partout de la mer à la montagne en
passant par les coins perdus de campagne qui n’ont pas la chance d’avoir un
fleuve ou un canal à portée de mains ? Ici, on a la chance d’en avoir deux. Des
écoulements aqueux, je veux dire. (Attention Didier, je te vois venir) On a la
Loire et le canal à proximité. Du coup, nous on sait ce que c’est la marine
fluviale, à Orléans, on la fête tous les deux ans. On peut même dire qu’on est bien
au fait, grâce à son festival, elle n’a plus aucun secret pour nous autres
orléanais : c’est un truc avec pleins de grosses barques en bois posées sur de
l’eau sale autour desquelles s’affairent des messieurs bedonnants avec une
réplique bon marché de tricorne militaire sur la tête et marchant pieds nus sur
le sol humide pour atténuer l’ébullition cérébrale créée par un trop plein
d’alcool.
Si, c’est un peu ça.
Mais va trouver une
définition concise pour caser ces 14 lettres dans une grille de mots croisés. Marine
fluviale. C’est pas facile. J’ai essayé quand même, vous me direz ce que vous
en pensez. Et j’ai trouvé : Dérivé féminin d’insulte Haddockienne. Je vous
laisse chercher. Même en connaissant la réponse, c’est pas évident. Sinon j’ai
aussi : troupeau maritime pourvue d’une bonne charge. Voilà, rien de
probant. Du coup, j’ai abandonné ; de toute façon, je sais même pas
pourquoi je vous parle des mots croisés, je les ai toujours détesté. Alors passons
à autre chose. Adieu marine fluviale. Adieu toue, gabare, fûtreau, chaland. Adieu
voile, barre, cordage, ancre. Adieu bière, rhum, whisky, vin blanc. Adieu…
Adieu.
Bonjour loup, renard,
belette… et petite sirène. La sirène, vous pensez que c’est un mammifère qui se
bouffe. Oui je crois, c’est pas comme la baleine. Quand j’étais gamin, pour un
premier avril, la rep avait fait croire qu’une baleine avait échoué sous le
pont Royal. Bien sûr, c’était une blague, contrairement à celle que j’ai
retrouvée affalée dans mon plumard un lendemain de festival de Loire où
l’obscurité trop prononcée avait assombrit ma vision. Je vous raconte ça mais…
quel intérêt. Y’a des choses bien plus importante dans la vie que mes déboires
sexuelles. Et beaucoup plus graves. La misère, les ouragans, tout ça. La
pénurie de nourriture dans une grande partie du monde, la
pénurie d’eau, potable je parle, parce que la souillée on en manque pas, la
pénurie de connexions neuronales dans la caboche des dirigeants planétaires. La
pénurie de vêtements, dans la villa des anges de la téléréalité.
La misère est partout
disait Coluche, et il avait raison. A un moment, je crois qu’il faut savoir se
résigner. « Restez à poil les filles ! » Mais gardez bien la
bouche fermée, par contre. Vous entendre beugler, c’est aussi insupportable à écouter
qu’un discours politique ou un sermon clérical.
En fait, je m’en fous de
toute cette société et de son université numérique. Je suis un peu comme les
trois singes : je regarde pas la télé, j’écoute pas télé, et je parle pas
à la télé. Enfin j’essai. Mais certain jour quand je passe devant et qu’elle
est allumée, j’ai l’insulte tellement rapide, un peu comme un Lucky Luke du cynisme,
qu’il m’arrive de persifler avant de réfléchir. Mais ! Attends… Attends, attends… Et si c’était ça en fait, le
secret pour m’intégrer dans cette société.
Dénigrer, dénigrer, dénigrer. Alléluia,
je crois que je suis sur la bonne voie. Mais en attendant, quand je veux mater
du néant devant un écran, je me plante devant un aquarium et je regarde les
poissons tourner en rond. Dans un parc océanographique, une animalerie, un
resto japonais. Chez un pote aquariophile, mais comme j’en connais pas c’est
compliqué, ou dans une poissonnerie de Seine St Denis. Et pourquoi dans le 93,
justement ? Bah pour croiser les petits trous, les petits trous, de la
poissonnière des lilas.
Mais laissons de côté les
poissons et revenons à nos bateaux. Et à nos bateliers. Nos bateliers qui il y
a trois siècles encore, encombraient les quais, tonitruaient de leur voix puissante
des ordres à tout va et faisaient claquer sur des dos musclés des fouets au
bout durci par du goudron. En ce temps, les fiacres et les omnibus
embouteillaient les rues pavées et
gluantes et glissantes à cause des tonnes de déjections des milliers de chevaux
que l’homme exploitait pour une poignée d’avoine. Pauvre bête. Et dire qu’à c’t
époque-là l’esclavage vivait son plein âge d’or. Alors à quoi bon, si c’est
pour exploiter sans pitié de pauvres animaux soumis et attelés.
Les marins de
la fluviale eux, au moins, avaient du respect pour les chevaux et les bœufs :
Ils ne s’en servaient qu’en comestible à barbecue. Pour tirer les péniches sur
le chemin de halage, ils utilisaient les femmes et les enfants d’abords !
C’est qu’ils ont le sens
de la priorité, les marins d’eau douce. Un hamac, un tonneau de rhum et une
femme dans chaque port. Oh putain, je suis en train de me rendre compte que
j’ai raté ma vocation. Et puis ça… on peut pas revenir en arrière. Bah tant
pis, il me reste au moins, une fois tous les deux ans, le festival de Loire
pour rentrer dans la peau d’un de ces hommes libres, solitaire et silencieux,
vivant la nuit et dormant le jour, se lavant deux fois par semaine, se rasant
une fois par an, se curant les ongles de pieds autant de fois dans l’année, et…
Non. Non, non, tout compte fait, je regrette pas… j’ai déjà eu droit à une
baleine dans mon plumard il y a quelques années, si c’est pour me taper des
thons jusqu’à mon dernier trou, pas la peine. Quand je dis mon dernier trou,
entendez ma dernière demeure. (Décidément Didier, t’as vraiment l’esprit mal
placé.) Non, après réflexion, je préfère ne pas tenter l’aventure du matelot
vagabond et rester juste dans le fantasme de l’aventurier libre et insouciant.
Et rien de tel qu’un bon Soldat Louis pour revêtir ce costume héroïque. Allez,
à toi de jouer capitaine Albinator, musique avec « c’est un pays » de
Soldat Louis. "
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