L'instant Décalé #8
L'instant Décalé
Présenté Par
Olivier
Episode 8 : 1er Septembre 2017
C'est la rentrée
La rentrée. Ah la rentrée.
Un grand moment dans notre pays où la populace semble se réveiller d’une
euphorie passagère, sorte d’hibernation inversée, après avoir passé deux mois
d’insouciance et de paresse au cours de chaudes journées interminables. La
rentrée, on y est. Chacun reprends ses marques, résigné à un retour à la
routine quotidienne du triptyque métro boulot dodo.
On dit « la »
rentrée, mais en fait on devrait parler de rentrées au pluriel. Des rentrées.
La plus connue, c’est la
rentrée scolaire bien évidemment. Celle qui rythme la vie de notre pays. Celle
qui lance le top départ de ces incalculables grèves dont nous allons subir les
affres jusqu’au mois de juin prochain. Nos amis les fonctionnaires de l’éducation
nationale, après deux mois d’ennui ont hâte de se réunir de nouveau entre
camarades autour de banderoles fraîchement dépoussiérées et se dégourdir les
gambettes sur le bitume rénové tout l’été par les salarié du BTP. Le pays revit,
les contestataires retrouvent le sourire. Les gosses cessent d’emmerder le
voisinage avec leur ballon dédicacés en série par Griezmann et compagnie.
Et puis il y a la rentrée
littéraire, avec son concave des top five, prêt à s’entendre sur les vainqueurs
des prochains grands prix, au moins les plus prestigieux, les multiplicateurs
de ventes.
On a aussi cette fameuse
rentrée politique, où après s’être exhibées en maillot de bain dans les
magazines poubelles, les politiciens reprennent leur danse simiesque de
mendiants de cacahuètes électorales.
La rentrée sportive aussi,
mais qui à cause des différentes rumeurs et de ces feuilletons de transferts ne
nous ont pas laissé le loisir de faire un break. Et puis y’a aussi une autre
rentrée sportive, celle où on va faire suinter par tous les pores de la peau les
lipides emmagasiné un peu partout autour du bide à cause de ces saloperies de
saucisses grillées sur le barbecue.
Et la rentrée musicale
bien sûr. Comment l’oublier ici, dans l’émission Mavrica, sur radio Arc en
Ciel, 96.2, tous les vendredis soirs à partir de 20h30. La rentrée qui sonne la
fin des festivals et le retour aux tournées et aux concerts dans les bars du
coin.
Mais bon, comme j’ai pas
voulu rentrer dans une énumération à la Prévert de tous ces évènements, je vais
essayer d’aborder ce thème avec un côté existentialiste.
Parce que s’il y a bien
une chose de terrible dans le paysage français, c’est de mourir une veille de
rentrée. Aux prémices d’une fin d’été encore douce, à l’aube des premiers
froids humides, signe grinçant du retour des rhumatismes. Et ne jamais
connaitre cette deuxième partie de vie où tout va en déclinant, de la rigidité
de la verge à l’arrondi de la courbe dorsale.
Et ça c’est triste. Aussi triste
que de clamser à trois jours de la retraite. Tout ça pour ça t’as envie de
dire. La vue, l’ouïe, la texture de la peau, tout se ratatine. Mais quand je
dis tout, j’exagère. Certaines choses, et pas des moindres, ne s’estompent pas
aussi facilement, aussi silencieusement. Elles progressent même.
Inexorablement. Inlassablement. Les douleurs, les courbatures, les
articulations bloquées ne cessent de croitre à mesure que l’on progresse vers
le terminus hivernal.
Mais je crois que ce qui
est encore pire, pour ceux qui ont connu le succès du box-office ou du top 50, c’est
de mourir le même jour qu’une personne plus célèbre que soit. C’est un coup à
filer droit au trou sans un dernier frisson médiatique. C’est con mais c’est comme
ça. Des fois on passe à côté de sa vie et on loupe le succès. Parfois, c’est sa
mort qu’on bousille à cause d’un timing foireux et on s’affale lamentablement
au pied de l’escabeau de la reconnaissance. Le traitement médiatique est une
chose impitoyable. Et pitoyable aussi. C’est marrant ; Ces deux termes qui
à première vue semblent contraires, sied à merveille à tout ce conglomérat informatif
qui commande notre façon de penser. Le public, qu’il soit auditeur ou lecteur,
ne reçoit que la partialité du
bafouilleur qui s’exprime.
Pendant que le Texas à
demi immergé par la colère du dieu de la pluie et de l’orgasme cosmique inonde
les médias du monde entier, Bombay se noie dans un silence général. L’inde tu
penses, tout le monde s’en fout.
Faut dire que les cow-boys
ont toujours eu meilleure presse que les indiens. Et puis ça fait belle lurette
que la grande épopée des maharadjas n’émoustille plus que les vieux colonels de
la coloniale en fin de retraite. Non, aujourd’hui, ce qui attire l’attention,
ce qui tape à l’œil, ce qui est bancable, ce qui fait gonfler la taille du
steak dans l’assiette, c’est les states ! L’esthète aussi (noté la
ressemblance syllabique.) Ce qui plait c’est le beau, le frais, le siliconé… La
silicone carné, ça, ça fait fantasmer le badaud de bordeaux à Mexico.
Et puis qu’est ce que ça représente tous ces
morts pour un français en proie à l’achat du dernier modèle de trousse
aérodynamique à double ventilation latéral à l’effigie de la dernière
monstruosité de chez Marvel. Rien. Que dalle. Du pipi de chat sur le linoléum
d’une caravane optionné d’un barnum. Du caca de chien dans des draps de satin
d’un palace parisien. Guère plus.
Mais revenons à des morts
plus locaux et donc forcément plus émotionnels, et à cette actualité brulante.
La rentrée.
Et là je crois qu’on peut
le dire, le crier haut et fort : La rentrée c’est fantastique ! Un
peu comme le plastique. Je fais que répéter. Elmer Food Beat a vanté les
qualités du produit bien avant moi. Et pour combien de temps encore ? Car
ses jours semblent comptés. Je relaye l’information éclipsé par un autre décès,
en l’occurrence Mireille Darc, mais lundi s’éteignait Vincent Lemoine alias
Twistos, guitariste et membre fondateur des Elmer Food Beat. Sans tapage ni son
guttural, il s’en est allé discrètement vers ce soit disant tunnel blanc.
Alors bonne route matelot.
Et en dernier hommage on va écouter « les traversées sont
solitaires » un morceau extrait de l’album capitulation sorti en 1994.
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