L'instant Décalé # 16
L'instant Décalé
presenté par
Olivier
Episode 16 : 3 Novembre 2017
Cette semaine nous avons
eu droit à Halloween, et son lot macabre de morts ressuscités, de cucurbitacées
décervelées pour mieux s’illuminer, de gosses étouffés par les assauts
désordonnés des sucreries gélifiées aux formes géométriquement variées et au goût
acidulé. De banderoles aux messages tantôt orange et tantôt noir, de chapeaux
pointus reposant sur des cheveux interminablement longs, d’habits sombres et
parfois déchirés, de masques hideux aux matériaux complexes dérivés d’un
pétrole malodorant… Mais parfois, point besoin de quelconques artifices pour
faire peur au grand enfant que je suis, un visage asymétrique, en face de moi
le temps d’une prestation radiophonique suffit à entacher ma sérénité et
peupler mon sommeil de monstres aux hurlements perçants.
Mais rassure toi Joël, tu n’y
es pour rien, la nature l’a décidé ainsi.
Et je me disais, en cette
période automnale, grise et austère et humide, quoi de mieux que de la couleur
et de la calorie pour s’égayer le moral. Il était donc grand temps que je
m’intéresse de plus près aux caractéristiques anatomiques et gustatives de cet
aliment, capable de redonner vie aux cadavres les plus décomposés que compte
nos si beaux cimetières : je veux parler de la citrouille, bien
évidemment. La citrouille et ses dérivés, de la grosse courge aux potimarrons.
Ronde et colorée, savoureuse et pleine de vitamine, celle qui en son temps su se transformer en bagnole pour emmener la cendrillon danser, mènera-t-elle également mon imaginaire dans une envolée fougueuse aux confins des terres potagères ?
Ronde et colorée, savoureuse et pleine de vitamine, celle qui en son temps su se transformer en bagnole pour emmener la cendrillon danser, mènera-t-elle également mon imaginaire dans une envolée fougueuse aux confins des terres potagères ?
Et en parlant de ça
justement, ça me fait penser qu’il serait peut-être temps que je me pose à
haute voix cette question existentielle qui me hante régulièrement : Mais
dans quel potage-j’erre ? Au milieu de quel océan est-ce que je surnage
depuis toutes ces années, depuis le jour où mon esprit s’est éveillé et que je
me suis mis à détester cette société ?
Parce que dans le potage,
mélange hétéroclite de soupe de synapses écarlates et de purée de neurones
atrophiés, on trouve de tout, des fruits et des légumes, de la viande et du
poisson, et, parfois même, une couille égarée flottant au milieu des débris de
tomates ou de patates, accrochée aux fibres filandreuses d’un céleri-rave ou
d‘un chou romanesco, liée telle une rescapée aux flottaisons d’un radeau en
plein naufrage. Et au-delà de cet intrus testiculaire, c’est vrai qu’on trouve
aussi bien à boire et à manger dans la matière serviable de mon cerveau.
Donc, à la question
« dans quel potage-j’erre » j’ai envie de répondre « dans une grosse
gamelle de respect et de liberté ! » Les deux étant bien sur
indissociables, sous peine de tomber dans cette merdasse d’anarchie.
Et en évoquant l’anarchie,
ça me fait penser à ne pas trop m’éloigner du sujet principal qui est Halloween.
Halloween et son défilé de marmots déguenillés, toquant de porte en porte en
mendiant la gourmandise, racolant le passant et quêtant l’inconnu, j’ai bien
dit quêtant, avec un seul u, je précise pour Didier… Et si après ça les gosses
finissent pas dans un costard de VRP, moi je dis qu’ils ont toutes les chances
de bien faire leur vie. C’est important ça, de réussir sa vie. Tout autant que
de ne pas rater sa mort. Ca éviterait peut-être que chaque 31 octobre, frustrés
d’une fin tombée trop vite, des milliers de zombies viennent salir les
trottoirs de leur bave saumâtre et de la gadoue dé-fossilisée des fossés environnants,
des trottoirs nouvellement fringuant depuis que les clébards urbanisés ont
décidé, après plusieurs décennies de tractations, de ne plus les déshonorer de
leurs excréments polymorphes.
Et d’ailleurs, pourquoi
autant de scènes et de costumes morbides autour de cette rencontre annuelle
entre les morts et les vivants. Pourquoi ne pas la voir sous un jour plus
joyeux, où les squelettes avec la viande autour, nous autres les vivants, irions
trinquer sur la pierre tombale d’un tas d’ossement inoffensif ? Pourquoi
faire systématiquement rimer cet évènement avec l’horreur et la peur ?
Est-ce une obligation légale intitulée dans un journal officiel et régissant le
royaume vaporeux logé de l’autre côté du miroir ? Parce qu’après tout,
tout est question de culture : pour les mexicains des Chiapas, lointains
descendants des mayas, une personne morte l’est uniquement lorsqu’on pense plus
à elle. Et pour ne pas l’oublier, quoi de mieux que faire un bon gueuleton
arrosé et musicalisé avec les restes matériels de cette personne, autour de son
dernier lieu de villégiature pour se remémorer les bons vieux souvenirs.
Et c’est pour ça que l’on
ne va pas se quitter avec le titre homonyme de l’album le plus vendu au monde, comme
je l’avais envisagé dès le départ, mais avec un titre mexicain, un air festif intitulé
« Viva Calaca, dia de los muertos. » Et
rappelez-vous que « la musique commence là où s’arrête le pouvoir des
mots. »
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