L'instant Décalé #17
L'instant Décalé
présenté par
Olivier
Souvent synonyme de
pauvreté et d’exclusion, la précarité est à même de toucher tout le monde. Et
non seulement elle en est capable, mais elle le prouve et continue à s’imposer,
de jour en jour, dans un interminable mouvement exponentiel. Et, paumé au sein
de cette cour des miracles moderne, le stagiaire est sans doute le plus
précieux maillon de cette peuplade d’égarés au futur indéfini.
Pour autant, ce marche
pied de l’échelle sociale dont nous fêtons unanimement le statut aujourd’hui,
de New York au Bengladesh, mérite-t-il cette mise en avant, cette
reconnaissance, ce respect, cette égalité vis-à-vis du hamburger et du pied
sale, deux éléments que nous fêtâmes ici il n’y pas très longtemps ? J’en
doute, mais entre la tumeur neuro-endoctrine et le stagiaire, je trouvais que
s’était beaucoup plus drôle de se moquer d’un boutonneux en cravate rouge et
pantalon trop court, photocopiant les recettes de cuisine de tatie Josette,
pour la femme du responsable de l’archivage des cartes postales estivales de la
mairie de Tourcoing. Beaucoup plus marrant en tout cas que de parler de chimio
et d’entubés.
Le stagiaire donc,
apprentis de l’apprentissage, gauche et zozotant, on en a tous croisé un jour
ou l’autre au sein de nos jobs respectifs. Malgré son statut d’association,
Mavrica fut confronté il y a quelques semaines, avec un archétype de ce
spécimen hésitant. Souvenez l’émission 337, débutée avec une heure de retard
pour cause de cafouillage technique. Alors bien sûr, on ne peut pas lui en
vouloir, la nature ayant déjà que peu épargné Joël, inutile de l’accabler
plus.
Mais outre la précarité
quotidienne de ce genre d’individu, qu’en est-il du devenir de l’homme, de la
femme et du transgenre sur la planète bleue. De l’avenir du chien, du chat et
de Chacha, la truite saumonée de Tata Sandra.
Et la précarité d’une
érection avant l’extirpation séminale chez les plus de 50 ans, quelqu’un s’en
souci-t-il ?
Alors, quand je dis précarité, entendez le dans le sens premier, celui d’incertain et non le dérivé attribué ces dernières années à la pauvreté. La pauvreté de l’engin n’étant plus ici un rapport avec l’âge, mais plutôt la constitution physique. Ou de l’origine ethnique.
Alors, quand je dis précarité, entendez le dans le sens premier, celui d’incertain et non le dérivé attribué ces dernières années à la pauvreté. La pauvreté de l’engin n’étant plus ici un rapport avec l’âge, mais plutôt la constitution physique. Ou de l’origine ethnique.
Et que dire de la
précarité du savoir. Toute une théorie astronomique certifiée par des décennies
de certitude, remise en question du jour au lendemain par la découverte d’une
planète monstre tournant autour d’une étoile naine. Tout ça me fait un peu penser
à une ancienne de famille de voisin, où tout le monde assurait que l’amour
entre une femme de 130 kilos et un mec 1,40 mètre était impossible. Mais après
dix ans de mariage, la réponse était sans équivoque. L’amour entre ces deux
êtres était parfaitement compatible. En revanche, le mettre en pratique devait
être beaucoup plus acrobatique.
En tout cas, s’il y a bien
une chose dont on peut être sûre, c’est que tout est incertain, sauf celle
d’avoir une fin.
Parce que si des bestiaux
de plusieurs tonnes ont succombé suite à la rencontre hasardeuse d’un
spermatozoïde interstellaire avec notre ovule, anonyme atome gravitant parmi
tant d’autres dans l’univers, qu’en sera-t-il de l’humanité et son nano-cosmos
après l’ultime réunion guerrière de la fraternité des « aimez-vous les uns
les autres. »
De toute façon, rien n’est
éternel. Pas même le système solaire. Encore 5 milliards d’années et le grand
régisseur de la symphonie métronomique coupera définitivement la lumière.
Mais revenons à des choses
plus gaies, plus colorées, plus mavriquesques. Revenons à la musique.
Et ça ne date pas
d’aujourd’hui. Faute de moyens, troubadours et ménestrels couchaient déjà souvent
sur des tas de pailles, sur un chariot ou dans une grange. Et en potassant les
archives de 1742 du journal « le matin clairvoyant », page 8 en bas à
droite du numéro 248, un entrefilet contait l’histoire de Jean-Luc Crocquart, autodidacte
de père en fils, accompagnant deux jours par semaine de sa mélodie envoutante
le grand maître de lévitation Savani Ragnagna, tandis que le reste de la semaine, pour se nourrir, il
occupait un emploi de frigoriste ambulant pour les poissonneries d’Orléans. Et
notamment celle de Lili, la poissonnière qui chantait à tue-tête « il est
frais mon poisson, il est frais mon poisson » devant son étal et susurrait parfois sur les
places populaires, les jours fériés, des hymnes à l’amour, à la vie et au
plaisir.
La vie d’artiste
serait-elle donc synonyme de précarité ? Mais n’est-ce pas justement cette
précarité qui fournit le feu de la création, et qui, une fois les dividendes et
la confortable vie matériel établie, fuie et autorise un recours bien légitime
au plagiat pour payer les traites de la villa et alimenter le venin d’un Moi
hypertrophié. Une vile tricherie que pardonne cependant le joyeux petit monde
du show-biz, à condition toutefois d’avoir un nom qui pue la dorure. Un
soutient généreux dont bénéficie aussi les truculents amis à la braguette
distendue.
Voilà, ça c’était juste
une petite parenthèse pour m’accorder l’espace d’un instant avec l’actualité.
Donc, comme « la musique commence là où s’arrête le pouvoir des
mots » nous allons écouter tout de suite Léonard Cohen avec Everybody
knows.
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