Instant Décalé 43
L'Instant Décalé
Olivier Dominguez
Episode 43 : 7 Septembre 2018
Pour cette rentrée, je
m’étais promis d’arrêter d’être revendicatif, d’essayer d’être un peu plus
sociable, de tenter la fabuleuse aventure d’aimer son prochain, et tout le
baratin qu’on peut souhaiter à la nouvelle année civile ou calendaire, mais
voilà. La rentrée Mavrica, est tombée pile poil le jour où fallait pas. Car
aujourd’hui, un fait bicentenaire passé de six années vient de remettre en
cause ma belle volonté et foutre le feu à ma verve zélée. Le 7 septembre 1812,
je vous fais un petit cours d’histoire, un certain Napoléon, Napoléon Bonaparte
1er, considéré comme un homme de légende par les patriotes de
l’ordre moral, idolâtré comme un génie par les nostalgiques des vieux régimes,
ces nazillons au kiki mou qui se caressent devant les uniformes recouverts de
médailles, ou comme un personnage de référence par les enseignants des écoles
de la gagne, cette école de la vie occidentale où on t’apprend à écraser
l’autre pour amasser, amasser toujours plus et surtout, surtout ne rien
partager du tout, Napoléon donc nous en a fait une belle ce jour là.
Ce 7 septembre 1812, lors
de la bataille de Borodino, à 124 km de Moscou très précisément, sous le regard
de ce petit homme perché sur une colline, 45 mille russes et 27 mille français
périrent ou furent blessés pour la gloire de ce dictateur nauséabond. Plus de 70
mille êtres humains sacrifiés en quelques heures seulement, pour quoi ? Le
prestige, la gloire, la domination, la conquête territoriale et j’en passe…
Des dizaines de milliers
de personnes désintégrées pour avoir cru aux beaux discours des polichinelles qui
usent à merveille des mots et des images et des symboles pour te mener par le
bout du nez.
Aujourd’hui rien n’a
changé. Ces mots et ces images sont toujours aussi bien employés par des
pourris, je ne cite pas le mot politicien pour pas faire un pléonasme, mais
quand certains mots sortent de la bouche de pourriture au sourire ravageur et
aux yeux de carnassier, il faut vraiment se replonger dans l’histoire de
l’humanité et voir où nous mène ces belles paroles enjolivées pour nous
rassembler derrière une cause unique.
Restons vigilant, parce que
ça marche aussi avec les idéaux. « Réussir sa vie » par exemple, je
l’aime bien celui-là quand il sort de la bouche d’un donneur de leçons en polo
griffé et mocassins vert bouteille. Dans le jargon des occidentalo-financier,
ça veut dire ruiner ta santé et celle de tes proches pour la bonne cause, pour
devenir « La » belle vitrine du capitalisme. Propre en façade,
brillante, clinquante, polie, outil de propagande génial censé te renvoyer une
médiocre image d’ébouriffé en T-Shirt froissé, et objet de culpabilisation
sensationnel pour te faire passer de la case « clown » à la case
« clone. »
-
« Ouah !
Mais que je suis fier d’avoir raté ma vie de petit soldat de l’hypnotique impérialisme
du consumérisme. »
« Ecoute ma voix,
n’écoute que ma voix, tu n’entends plus que ma voix mon enfant. Ecoute-moi et donne-moi
ta voix mon petit, donne tes sous, donne ton âme, donne tes attributs, chéri,
c’est pour ton bien. »
Quand un gars te caresse
le dos en insistant sur le fait que tu es devant une affaire en or, regarde
bien à qui elle profite, cette belle opportunité. Il y a peu de chance que ce
soit pour toi !
Mais restons positif. Après
tout, qu’est-ce qu’on en a à foutre de tout ce cirque. De la bonne zic, un
grand verre de vin, un bon bouquin, un bloc note, un matelas confortable, ça,
c’est sûre, ça connaitra jamais la crise chez moi. La crise, « le »
mot indémodable en France depuis les années 70. Un pet de travers, et hop,
c’est la crise. Le conservatisme, c’est la crise. Le changement, c’est la
crise. 47 ans que je vis dans une société en crise.
Faut vraiment du courage
pour être un bon « j’en foutiste » dans cette société de
compétitivité perpétuelle. Mais sans me vanter, je veux pas me faire de fleur,
mais je crois que je m’en sors pas trop mal. Je me suis constitué, au fil du
temps, une petite carrière de glandeur, dont je suis pas peu fier. Je le dois
sans doute à ma bonne étoile parce que c’était loin d’être gagné. Pleins s’y
sont risqués et beaucoup ont mal tourné.
Mais comptez pas sur moi
pour vous donner la recette magique, elle n’existe pas. Enfin si. La seule
chose que je peux vous recommander c’est, « faites ce que vous avez envie,
écoutez-vous et surtout, surtout, n’écoutez pas ceux qui savent tout. »
Je vous laisse toute la
semaine pour méditer sur ces quelques recommandations, et clôturons cette
chronique avec « Bonobo circus » et leur titre « je n’marche pas
droit »
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