Instant Décalé 53

L'Instant Décalé


Olivier Dominguez

Episode 53 : 7 Décembre 2018

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Ce soir on va parler de nostalgie du futur. C’est un peu antinomique comme concept je reconnais, mais vous verrez qu’on peut éprouver ce sentiment. Et ce soir, contrairement à d’habitude, c’est plus un texte erratique de mes pensées les plus volages que je vais vous lire, qu’une chronique thématique.
Tout a commencé la semaine dernière, au boulot, alors que je comptais les poils de ma main gauche, une ampoule lumineuse est apparue dans une petite bulle à côté de ma tête et une fulgurante pensée me dit alors : Mais bien sûr !!! Et si les hommes allaitaient ?

Il y a quelques semaines mes yeux avaient parcouru un gros titre où le journaliste posait la question de la raison d’être des tétons chez les hommes. J’ai donc décidé de pousser mes investigations pour savoir ce qu’il en était réellement. Et qu’ai-je trouvé ? Que les hommes, et plus précisément ceux de la tribu Aka, en Afrique, allaitaient. Pour soulager l’enfant en attendant le retour de la mère, bien sûr, tout le monde connait la faculté de l’homme à faire illusion.
Mais, et ça c’est intéressant, d’un point de vu physiologique, les hommes comme les femmes sont dotés d’un dispositif nourricier, à savoir, des tétines, des glandes mammaires et une hypophyse. En théorie, l’homme est donc capable de produire du lait.
C’est extrêmement rare, mais dans certaines circonstances exceptionnelles, l’histoire montre que des hommes ont réussi généré instinctivement une production de lait pour sauver leur enfant. Fabuleux ce que le mental est capable de générer sur le physique.
Mais, est-ce si extraordinaire que ça, car moi aussi, qui ne suis pourtant pas un génie, il m’arrive de temps en temps d’allaiter des femmes dans le besoin. C’est également très rare, et pas qu’à cause de mon physique. Parce qu’il faut que je vous avoue une chose : j’ai le testicule timide. Le droit surtout.
Quand il voit une main approcher, il remonte se planquer à l’étage supérieur dans le dédale des intestins, emmenant avec lui le gauche, d’ordinaire plus aventureux. Et j’entends alors le gauche dire au droit :
« c’est peut-être pas désagréable après tout ? »
« Non… souviens-toi l’été dernier ! »
Le gauche et le droit se parlent souvent. Le droit, c’est le petit ange de ma conscience, le gauche le diablotin. Par le passé, un rude coup reçu entre les jambes infligea un mauvais souvenir à la mémoire collective testiculaire, que le temps eu beaucoup de mal à faire oublier. Surtout chez le droit. Et bien sûr, pendant que mes deux testicules tergiversent, qu’ils causent pour se mettre d’accord, bah moi je peux pas bander. Et un conflit de testicules qui s’éternise, c’est une suspicion d’impuissance qui s’organise. Et moi ça me met mal à l’aise. Et la madame à l’armature féminine débraillée qui me fait face, finit elle aussi par se sentir mal à l’aise. Et à force de se désoler, elle en vient même à culpabiliser.
Pourquoi toutes ces palabres ? Pourquoi ? Toujours ! Toujours ces discussions... Oui ! Non ? Faut-il, faut-il pas, fauter ?
« Ah ah ! La coquine était donc mariée !

C’est récurrent, régulièrement, à chaque moment, ce questionnement. Affrontant le temps à contre-courant, comme le vent remontant le torrent. Ca veut pas dire grand-chose c’est vrai, mais ça rime à mort et j’aime bien, ça fait poétique.
Et après que madame se soit barrée, frustrée, ma petite personne s’en va se relaxer et s’infuser un liquide chaud au parfum pêche kiwi à la Gauchonnerie, au coin de la rue. Là-bas, l’activité cérébrale d’en haut peut reprendre le fil de la discussion laissé en plan quelques instants plus tôt. A la Gauchonnerie, en soirée, c’est Moumoutte le serveur.
Me demandez pas d’où vient ce surnom, Moumoutte, je n’en ai aucune idée. Mais il sert le thé avec beaucoup de classe. Et on peut parler de tout avec lui. Pas de tabou.
Qui connait la Gauchonnerie ? Personne ! Je ne suis pas étonné, ça n’existe pas encore. Mais ce sera vraiment un lieu à découvrir. Enfin y’a pas d’urgence, la Gauchonnerie c’est le bar que je devrais ouvrir dans trois/quatre ans. Ca laisse le temps pour trouver l’adresse.

On y boira du chocolat chaud et épais, comme en Espagne, et des vieux rhums qui te décalquent le ciboulot.
Y’aura aussi des livres partout au mur, ça c’est sûr. Et des instruments de musique, de ci de là.
Des livres usés d’avoir été trimbalés, caressés, feuilletés par des dizaines de mains. Des vieux livres trifouillés, farfouillés jusqu’à la dernière lettre d’imprimerie, et d’autres non coupés, à l’ancienne, à déflorer dans un boudoir douillet, sous une lumière tamisée, délicatement incisés au coupe papier en ivoire comme le préconisait Théophile Gauthier, et dessouder les muqueuses de l’ouvrage restées scellées un bon siècle dans la poussière d’une bibliothèque. Certains collectionneurs se font même un point d’honneur à garder leurs ouvrages vierges, fermés comme ces bouteilles de vins centenaires et imbuvables, mais hors de prix.
Cette catégorie de personnes, je vous avoue que je m’en bats les roustons. Les trois. Ah oui, je vous ai pas dit, mais pendant que mon cerveaux d’en haut s’évadait dans des pensées ambiguës et des déambulations prophétiques, je ne sais pas comment les Abel et Caïn de mon slibard s’y sont pris, mais ils ont réussi à fabriquer un petit frère. Déjà qu’avec deux j’avais du mal à tenir mon cerveau concentré, mais là, à trois dans le calbute, je suis mal barré.
Enfin bref, retournons plutôt faire un tour du côté de la Gauchonnerie, ce lieu chaud et douillet où s’affaleront dans les épais fauteuils les derniers poètes entêtés de la ville. Les mélomanes étourdis et les amoureux des lettres. Tous les excentriques que la société tolère tout juste à exister.
Ca causera art et culture, ça pissera sur la politique et la religion, ça fuckera la société à tour de bras… Les voix feront trembler les murs, les instruments vibrer les âmes. Les mots frissonner l’épiderme et les notes caresseront les esprits fatigués.
Ouah… Ce que je kiffe mon futur.

En attendant… Bah en attendant… ma troisième couille me fait un mal de chien.
J’ai donc consulté, mais à quoi bon ?
« Il faudra désormais bannir les sports violents » m’a sagement conseillé le docteur, fièrement installé dans le large fauteuil de son cabinet feutré et désinfecté.
« T’inquiète toubib, j’suis un dur à cuir ! » lui ai-je répondu le sourire narquois.
T’inquiète, t’inquiète, mais c’est qu’il sait se faire sentir ce troisième organe indésirable… Quand on y réfléchit, trois testicules, est-ce aussi extraordinaire qu’un homme qui allaite ? Certains, et de très connus, vivent très bien sans. Alors pourquoi pas trois ?
Oh, et pis soyez pas jaloux messieurs, ça n’a rien d’esthétique. Mise à part conforter l’adage populaire qui dit « quand y’en a plus, y’en a encore ! » cette petite réserve qui peut faire des merveilles n’a rien de confortable.
Et vous femmes avides, ne soyez pas donc pas si envieuses ; Tout ça peut paraitre alléchant, mais si le cœur fatigué n’est pas capable de tenir le rythme, à quoi bon s’escrimer.
En attendant, c’est douloureux. Manque de place peut être… La place, en tout cas, dans la Gauchonnerie, y’en aura toujours pour les copains qui passent.




Alors ce soir, nous ne finirons pas en musique, comme d’habitude, mais juste par le devoir de la semaine. Et c’est une phrase de La Rochefoucauld qui dit :

« Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions, si le monde voyait tous les motifs qui les produisent »

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