Instant Décalé 55

L'Instant Décalé


Olivier Dominguez

Episode 55 : 21 Décembre 2018


Le sujet de ce soir, ça va parler à certain puisque c’est une 3ème mi-temps de l’émission Mavrica qui me l’a inspiré. Ca concerne la populace qui s’entasse dans les grandes surfaces.
Et pas que la vieille toute rabougrie, ridée jusqu’à la rondelle par la haine et la rancœur. Celle qui va poser son caddie en travers de l’allée centrale de manière stratégique pour faire chier un max de monde. Quand tu vois ça, tu te dis qu’elle n’aurait pas pu le placer mieux pour créer un bouchon. C’est comme si elle avait étudié les plans du magasin toute la nuit et conclu son analyse au petit matin :
« Si je dispose mon caddie là, à cet endroit précis, orienté sud-sud-est, la cage en ferraille en équilibre côté gauche, avec une inclinaison de 28° par rapport à l’axe du sol, je peux, à moi toute seule, bloquer plus de personnes que 50 gilets jaunes à un rond-point ! »
Et c’est avec un immense plaisir que j’intervenais dans son plan maléfique, en y apportant ma petit touche finale, à savoir, rajouter deux trois stries de colère sur le visage de cette pauv’ femme aigrie, en allant garer soigneusement son caddie à moitié plein à l’autre bout du magasin.
« Vieille peau, si tu nous écoutes… sans rancunes. » 

Mais j’ai vu pire, un jour que je faisais la queue au supermarché du coin. Pendant que je me décrottais discrétos le nez et que le client de devant râlait après la caissière toute penaude d’avoir oublié une remise de 75 centimes d’euros, et à qui j’aurais bien roulé une pelle pour la réconforter mais ça c’est une autre histoire, une grosse dame pas trop vieille pourtant, se posta derrière moi avec son caddie et son mari soumis, et me manqua de respect… irrespectueusement, en me déclarant d’une voix peu avenante :
« Vous avez de la chance que je sois bien lunée, sinon je vous aurais fait enlevé  vos courses du tapis et je serais passé devant vous ! »
Aucun signe apparent, sauf peut-être celui d’être mal mariée, ne laissait présager un handicap chez cette dame à la peau du cou plissée et autour duquel pendait un bijou en excrément de cachalot fossilisé, mais tel était son cas : en plus d’être mal aimable, cette dame possédait un handicap !
Désormais, et ça je ne devais le découvrir qu’à la toute fin de cette mésaventure, toutes les caisses des grandes surfaces sont prioritaires aux handicapés. Ce que je trouve tout à fait normal. Au contraire ! Quand quelqu’un me passe devant, ça me laisse toujours un peu plus de temps pour rêvasser ou fantasmer sur la caissière située deux rangs derrière, parce que bien sûr, je fais jamais gaffe avant de m’imbriquer dans la bonne file. Rien à redire, si ce n’est que certains de leurs représentants devraient prendre des cours de courtoisie, s’ils ne veulent se retrouver à la une de ma chronique. Parce que, comme l’indique cette morale, la connerie n’est pas le monopole d’un bouillon de populace bien portante. Les minorités réussissent merveilleusement à s’adapter en développant ce maudit syndrome contagieux.

Ce soir, je vais également profiter de cette tribune qui m’est offerte pour rendre un hommage à tous ces gens dont le boulot consiste à être en contact avec le public. Les hôtesses d’accueil, les caissières, les vendeurs, les standardistes, les assistantes SAV…
Tous ceux qui doivent faire face à des clients suffisants, toutes celles que les nabots prennent de haut et s’autorisent l’inexcusable comme soupape à leur soumission quotidienne.
Tout ça depuis qu’une théorie les a érigé en roi. Roi de quoi ? Là-dessus, j’ai ma petite idée…
Encore un de ces concepts capitalistes tirés du principe : « l’argent n’a pas d’odeur » et qui a réussi à convaincre des millions de frustrés à la tirelire débordante, et pire, des dizaines de milliers de salariés, que se laisser humilier par des clients est honorable !
- « Baisse la tête et pense aux chiffres ! »
- « Oh oui chef, j’adore qu’on me flagelle en public. »
Mais d’où le client orgueilleux et méprisant doit être considéré comme un roi ? Le client n’est qu’une entité d’un processus commercial. Rien de plus. Il n’a droit qu’à la considération que lui-même accorde aux autres. Le client roi ! Le roi des cons oui, là je veux bien.

Et peut-être à cause de ça, nous vivons aujourd’hui dans une société de surconsommation. Plus les gens sont soumis et frustrés, plus ils ont besoin d’acheter pour ressentir, l’espace d’un instant, l’éphémère position du dominant.
Et moi je dis, plutôt que sombrer dans un burn out ou une dépression, il faudrait envoyer balader tous ces bouffons qui s’enorgueillissent d’un charisme factice. Et que chaque insulte libératrice soit remboursée par la sécurité sociale au même titre qu’un anti dépresseur. Imagine le manque à gagner pour toutes ces industries pharmaceutiques, plus douées en manipulation qu’en guérison.
Un bon vieux « fuck the système » guérira toujours mieux qu’un cacheton de drogue homologué par des institutions sanitaires, elles-mêmes dirigées par les licenciés des grandes écoles de science Po.
Alors pour finir, je vous demanderais de cogiter toute la semaine cette aphorisme de Benjamin Franklin :

La vraie noblesse ne se démontre qu’à travers les actes les plus valeureux

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à suivre ...

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