Instant Décalé #30

L'instant Décalé
présenté par


Olivier

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Quand on écoute l’actualité ou certains documentaires, on se rend compte qu’on nous rabâche souvent ces trois mots : « extinction de masse. » Mais de quoi parle-t-on exactement ? Je me suis intéressé au sujet, parce que dans un premier temps, extinction, masse, ça a fait chavirer ma pensée dans un monde dont la décence m’empêche de vous dévoiler ici les contours. Mais en fait, mes rêves ne m’avaient pas tant égaré que ça car il s’agit également, en quel sorte, d’un refroidissement ou plus exactement d’une frilosité. En fait, l’extinction de masse, c’est la disparition à grande échelle d’une espèce vivante, en l’occurrence les  animaux, qu’il s’agit.
Mais il y en a une autre extinction que l’on ne voit pas venir, une extinction plus insidieuse, plus sournoise et qui n’a rien à voir avec  le refroidissement d’un séant surchauffé. Une extinction que tout le monde semble se foutre.
Figurez-vous que des experts mandatés par je ne sais qui, se sont rendu compte de l’extinction progressive du passé simple dans le langage courant. On n’en n’est pas encore à l’extinction de masse, mais on s’y approche dangereusement. Restons vigilant. Et voyez pourquoi c’est si sournois, car autant, quand les verbes conjugués sont plus ou moins articulés dans des bouches plus ou moins édentées, ça peut passer inaperçu. Mais une fois couché sur le papier, y’a de quoi hurler. Le mot défiguré se met à vous piquer les yeux, mais à vous piquer d’une force…

En fait, je dis disparition, mais on devrait plutôt parler d’une mutation de la conjugaison. C’est ça, il s’agit plus d’une transformation que d’un génocide. Pour être encore plus exacte, ce changement provoquerait même l’apparition d’une troisième forme de passé : le passé « unique. » Parce que le passé antérieur, j’en parle même pas. Paraitrait qu’il a été inhumé il y a belle lurette, dans le silence le plus total, dans le caveau de la langue française, au fond du cimetière des opprimés.
Grâce aux jeunes et leur art de tout mélanger et simplifier, infatigable partouzeurs orthographiques, une nouvelle forme de passé est née. On vient de passer l’étape de la mutation. Passé simple et passé composé, mixifier ensemble, ont mis au monde un nouveau passé. Le « J’ai mangé » et le « je mangeais » deviennent, un beau matin, je mangé, avec un accent aigu sur le e final. Ou à l’infinitif, après tout, soyons fou, soyons créatif.
Alors question : La langue française mérite-t-elle qu’on la maltraite ainsi ?

Mais bien sûr, m’écris-je dans l’instant, sinon on parlerait encore un vieux François médiéval, tout enluminé de rimes calculées. Bien sûr qu’il faut la bouger, la tourner la langue et pas que pour rouler des pelles au gros fessier en proie au refroidissement. Il faut la malaxer, la secouer cette langue française pour en tirer des textes majestueux, un peu comme des partitions qui s’enrichissent de la création de nouveaux accords. Et tant pis pour les vieux cons, tant pis pour les puristes, une langue doit vivre et ne pas rester figée dans un musée de curiosité.
Par contre, quand j’entends qu’il faut la rendre facile à cause de l’appauvrissement  des sols spongieux des jeunes bacheliers, et de l’inversement des pôles des parents abrutis, j’ai encore envie d’hurler. Pourquoi retirer cette richesse sous prétexte que le commun des mortels la trouve trop complexe ? A-t-on déjà eu ce débat en musique, où des apprentis demanderaient le retrait des dièses et des bémols, des accords à 4 notes, des tapings et des barrés sous prétexte que c’est trop dur à apprendre.
Ca existe, libre à toi de l’apprendre et de l’utiliser, ou de lui tourner le dos si tu n’en a pas l’utilité. Mais pourquoi simplifier ? Par soucis d’équité, nivelons par le bas, c’est ça ? C’est désolant. 
On la dit difficile, la langue française, ça c’est l’excuse bidon. Moi je dis au contraire qu’on a de la chance, on aurait pu grandir dans un pays de l’est et se taper de bien pires formes syntasthique. Syntastique, vous savez ce que ça veut dire ? Bah rien du tout, mais j’aime bien. C’est un néologisme qui vient de fuser de mon cerveau en ébullition ! Ca me fait penser à une sorte de syntaxe esthétiquement sympa. Mais bon, fermons la parenthèse. Ca fait rêver que moi.

Chez les slaves et les germains, en plus du masculin et du féminin, existe un troisième genre, qui vient ni d’une autre planète ni d’un bosquet du bois de Boulogne, et que l’on appelle le genre neutre.
Je vais prendre l’exemple du polonais, que je maitrise presque autant que la guitare électrique, en fait, la terminaison des mots est différente suivant le mode et le genre que l’on utilise. Et ça marche aussi pour les noms propres.
Donc on a 3 genres, je les ai déjà cité, et 7 modes : le nominatif, le génitif, le datif, l’accusatif, le vocatif, l’instrumental et le locatif. Et dans la plupart des cas, la terminaison est différente. Didier par exemple, peut voir son nom se transformer en Did, Didi, ou Didou suivant le sens de la phrase dans laquelle il apparait. Sans qu’il soit pour autant question de surnom à l’affectueuse résonnance. N’est-ce pas… Didou. C’est y pas mignon ça, Didou.
Alors je sais pas pour vous, mais je dis que quand on a échappé à ça, on peut faire l’effort de différencier le passé simple du passé composé. C’est pas insurmontable comme travail, je pense.
Parce qu’à vouloir trop simplifier, un jour on va voir naitre un passé recomposé où des martiens viendrons nous donner des leçons sur les différents temps, les passées, les futurs et les présents. Oui, je mets le présent au pluriel, car il m’arrive parfois de vivre plusieurs présents en même temps. Je suis ici mais ailleurs aussi ; Je suis là, mais je suis pas là ; Mais dit moi alors, où tu es ? A tel point, que j’ai l’impression d’avoir une double vie. Une ici, sur terre et puis une autre à des millions de kilomètres, bien planquée derrière un astéroïde, où « yé m’apellé Aldo et yé souis les plou beau dé tou lé plébouille. » 

Et puis, comme on parle d’Aldo et que Catherine Ringer passe à l’Astrolabe le 20 mars prochain et que la « musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots » et que ça me fait vraiment plaisir d’écouter ce morceau, on va écouter tout de suite les Rita Mitsouko avec Marcia Baïla.

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