Instant Décalé # 29
L'instant Décalé
Présenté par
Olivier
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Quand on écoute l’actualité ou certains documentaires, on
se rend compte qu’on nous rabâche souvent ces trois mots : « extinction
de masse. » Mais de quoi parle-t-on exactement ? Je me suis intéressé
au sujet, parce que dans un premier temps, extinction, masse, ça a fait
chavirer ma pensée dans un monde dont la décence m’empêche de vous dévoiler ici
les contours. Mais en fait, mes rêves ne m’avaient pas tant égaré que ça car il
s’agit également, en quel sorte, d’un refroidissement ou plus exactement d’une frilosité.
En fait, l’extinction de masse, c’est la disparition à grande échelle d’une
espèce vivante, en l’occurrence les
animaux, qu’il s’agit.
Mais il y en a une autre extinction que l’on ne voit pas
venir, une extinction plus insidieuse, plus sournoise et qui n’a rien à voir
avec le refroidissement d’un séant
surchauffé. Une extinction que tout le monde semble se foutre.
Figurez-vous que des experts mandatés par je ne sais qui,
se sont rendu compte de l’extinction progressive du passé simple dans le langage
courant. On n’en n’est pas encore à l’extinction de masse, mais on s’y approche
dangereusement. Restons vigilant. Et voyez pourquoi c’est si sournois, car autant,
quand les verbes conjugués sont plus ou moins articulés dans des bouches plus
ou moins édentées, ça peut passer inaperçu. Mais une fois couché sur le papier,
y’a de quoi hurler. Le mot défiguré se met à vous piquer les yeux, mais à vous
piquer d’une force…
En fait, je dis disparition, mais on devrait plutôt parler
d’une mutation de la conjugaison. C’est ça, il s’agit plus d’une transformation
que d’un génocide. Pour être encore plus exacte, ce changement provoquerait même
l’apparition d’une troisième forme de passé : le passé « unique. »
Parce que le passé antérieur, j’en parle même pas. Paraitrait qu’il a été
inhumé il y a belle lurette, dans le silence le plus total, dans le caveau de
la langue française, au fond du cimetière des opprimés.
Grâce aux jeunes et leur art
de tout mélanger et simplifier, infatigable partouzeurs orthographiques, une
nouvelle forme de passé est née. On vient de passer l’étape de la mutation. Passé
simple et passé composé, mixifier ensemble, ont mis au monde un nouveau passé.
Le « J’ai mangé » et le « je mangeais » deviennent, un beau
matin, je mangé, avec un accent aigu sur le e final. Ou à l’infinitif, après
tout, soyons fou, soyons créatif.
Alors question : La langue française mérite-t-elle
qu’on la maltraite ainsi ?
Mais bien sûr, m’écris-je dans l’instant, sinon on
parlerait encore un vieux François médiéval, tout enluminé de rimes calculées.
Bien sûr qu’il faut la bouger, la tourner la langue et pas que pour rouler des
pelles au gros fessier en proie au refroidissement. Il faut la malaxer, la
secouer cette langue française pour en tirer des textes majestueux, un peu
comme des partitions qui s’enrichissent de la création de nouveaux accords. Et
tant pis pour les vieux cons, tant pis pour les puristes, une langue doit vivre
et ne pas rester figée dans un musée de curiosité.
Par contre, quand j’entends qu’il faut la rendre facile à
cause de l’appauvrissement des sols
spongieux des jeunes bacheliers, et de l’inversement des pôles des parents abrutis,
j’ai encore envie d’hurler. Pourquoi retirer cette richesse sous prétexte que
le commun des mortels la trouve trop complexe ? A-t-on déjà eu ce débat en
musique, où des apprentis demanderaient le retrait des dièses et des bémols,
des accords à 4 notes, des tapings et des barrés sous prétexte que c’est trop
dur à apprendre.
Ca existe, libre à toi de l’apprendre et de l’utiliser,
ou de lui tourner le dos si tu n’en a pas l’utilité. Mais pourquoi
simplifier ? Par soucis d’équité, nivelons par le bas, c’est ça ? C’est
désolant.
On la dit difficile, la langue française, ça c’est
l’excuse bidon. Moi je dis au contraire qu’on a de la chance, on aurait pu
grandir dans un pays de l’est et se taper de bien pires formes syntasthique.
Syntastique, vous savez ce que ça veut dire ? Bah rien du tout, mais
j’aime bien. C’est un néologisme qui vient de fuser de mon cerveau en
ébullition ! Ca me fait penser à une sorte de syntaxe esthétiquement
sympa. Mais bon, fermons la parenthèse. Ca fait rêver que moi.
Chez les slaves et les germains, en plus du masculin et
du féminin, existe un troisième genre, qui vient ni d’une autre planète ni d’un
bosquet du bois de Boulogne, et que l’on appelle le genre neutre.
Je vais prendre l’exemple du polonais, que je maitrise
presque autant que la guitare électrique, en fait, la terminaison des mots est
différente suivant le mode et le genre que l’on utilise. Et ça marche aussi pour
les noms propres.
Donc on a 3 genres, je les ai déjà cité, et 7 modes :
le nominatif, le génitif, le datif, l’accusatif, le vocatif, l’instrumental et
le locatif. Et dans la plupart des cas, la terminaison est différente. Didier
par exemple, peut voir son nom se transformer en Did, Didi, ou Didou suivant le
sens de la phrase dans laquelle il apparait. Sans qu’il soit pour autant
question de surnom à l’affectueuse résonnance. N’est-ce pas… Didou. C’est y pas
mignon ça, Didou.
Alors je sais pas pour vous, mais je dis que quand on a
échappé à ça, on peut faire l’effort de différencier le passé simple du passé
composé. C’est pas insurmontable comme travail, je pense.
Parce qu’à vouloir trop simplifier, un jour on va voir
naitre un passé recomposé où des martiens viendrons nous donner des leçons sur
les différents temps, les passées, les futurs et les présents. Oui, je mets le présent
au pluriel, car il m’arrive parfois de vivre plusieurs présents en même temps. Je
suis ici mais ailleurs aussi ; Je suis là, mais je suis pas là ; Mais
dit moi alors, où tu es ? A tel point, que j’ai l’impression d’avoir une
double vie. Une ici, sur terre et puis une autre à des millions de kilomètres,
bien planquée derrière un astéroïde, où « yé
m’apellé Aldo et yé souis les plou beau dé tou lé plébouille. »
Et puis, comme on parle d’Aldo et que Catherine Ringer
passe à l’Astrolabe le 20 mars prochain et que la « musique commence là où
s’arrête le pouvoir des mots » et que ça me fait vraiment plaisir
d’écouter ce morceau, on va écouter tout de suite les Rita Mitsouko avec Marcia
Baïla.
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