Instant Décalé # 33
L'instant Décalé
Présenté par
Olivier
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épisode 33 : 23 Mars 2018
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On va parler des cireurs
de chaussures, un métier qui connait un retour en grâce dans les grandes villes,
autant que les barbiers dans les quartiers de Barbès ou de Belleville. Et
peut-être Séville, va savoir.
Je ne sais pas ce qui m’a
inspiré le thème de ce soir, un thème particulièrement adapté à l’approche des
trépidantes échéances électorales. Mais bon, on va faire sans, faut pas
froisser l’inspiration.
Et inévitablement, le
cireur de chaussures ne pouvait que faire dévier ma pensée vers ces cireurs de
pompes ou les pompeurs de cire. Alors, pompeurs de cire, ça veut pas dire
grand-chose, mais on peut aisément rebondir, grâce à la magie des mots et un
peu d’imagination (l’imagination je dois le dire, est un concept à consommer avec
des pincettes, avec modération, avec sérénité, mais surtout sans vulgarité) ;
L’imagination donc, peut nous emmener jusqu’à l’expression « pompeurs de
cigares ». Alors on va pas trop imager le propos, Didier a son idée, et moi,
j’en parle même pas, je suis déjà en route vers les ruelles de La Havane.
Mais revenons au cireur de
chaussures et abordons cette profession sous un angle économique. Ce retour au vieux
métier est-il bon pour les finances publiques ? Forcément, vous me direz. Pas
sûr, je vous répondrais. Comparé aux valeurs ajoutées des start-up ou des
professions dites nobles, qui multiplient majorations et commissions comme des
petits pains, je dis que cette ancienne profession à la modeste rentabilité, va
faire chuter le PIB de notre pays.
Et ça, ça risque de fâcher notre ami Macron.
Restons vigilant. Parce
qu’à ce rythme-là, tu vas voir que bientôt, on aura droit au retour des
savetiers. Avec cette nouvelle mode de réparer au lieu de jeter.
Du coup, pourquoi pas un
retour en grâce des rémouleurs de bourliches du Nouvion en Thiérache. Le
Nouvion en Thiérache, c’est un petit bled bourré de charme au cœur de la
Picardie, où l’on se délecte d’apéritifs sans aucun impératif, autre que celui « qu’on
se prélasse en terrasse. » Au point où on en est, on peut tout imaginer. Avec
modération, l’imagination, je le rappelle.
Rémouleurs de
bourliches ! Un demi-siècle pour éradiquer cette mafia ambulante, et à
cause du retour en force des cireurs de pompes et toute leur clique de manuels
nostalgiques, voilà tout un pays prêt à se faire de nouveau investir par la
gangrène des itinérants. Moi je dis, si on continue comme ça, dans 10 ans, on
trouvera plus de rémouleurs que de fabricants d’épluches patates. Alors je dis
non aux retours des rémouleurs. La population a trop souffert de ces nomades allant
de village en village aiguiser le coutelas du paysan et du brigand. Assez.
Ou alors, ok ! Et extrapolons.
Moi qui cherche à me reconvertir professionnellement, pourquoi ne pas tenter l’aventure,
dans une carrière de repriseur de chaussettes à domicile. Y’a du potentiel,
j’en suis sûr. Depuis que les manufactures ont émigré du ch’nord vers la Chine,
les pèlerinages pour un reprisage mettent plus de temps qu’avant. Je sais pas
si vous avez remarqué. Avant, tu perdais une chaussette, trois jours après elle
était de retour, toute pimpante, certes un peu transpirante, mais fraîche comme
l’automne. Aujourd’hui, faut attendre presque cinq semaines avant que la
deuxième chaussette ne rejoigne ses pénates. Les délocalisations sont un grand
malheur pour le retour aux sources de ces chiffonnades de coton. Même avec le
développement des voies aériennes,
le trajet est toujours aussi long. Mais surtout,
surtout depuis que maman ne s’occupe plus de mon linge, le temps s’est encore considérablement
rallongé. Et puis faut voir l’état dans lequel elle rentre. Couverte de
poussière, terrée derrière la machine, apeurée, traumatisée... Pauv’ linge.
Du coup, repriseur, y’a de
l’avenir. Ca peut marcher. J’avoue même que pendant un moment, j’en étais rendu
à vouloir me lancer comme coupeur d’ongles, l’été, devant les boutiques de
claquettes. L’investissement est modeste, je me suis renseigné : Un
vélocipède avec voile rétractable pour se déplacer d’une échoppe à l’autre, et une
trancheuse multi-lames capable de soigner de la plus frêle couche de cartilage
jusqu’à la plus répugnante des griffes d’ours.
Quand on est arrivé à mon
point, niveau professionnel, repriseur de chaussettes ou rogneur d’ongles, c’est
une bénédiction.
Cireur de chaussures par
contre, ça me fait pas rêver. Je ne sais pas pourquoi. Etant gosse, on les
voyait surtout dans les aéroports ou sur les avenues New-Yorkaises, sur la télé
en noir et blanc de papa. Oui, à l’époque, le téléviseur était celui des
parents, pas des enfants.
Autant ça ne me fait pas
rêver, autant l’idée d’y avoir recours… c’est flatteur ! Et pour avoir
essayé, je peux vous dire que c’est une expérience peu banale, que de payer un
mec pour se faire reluire le cuir.
Et vous savez par qui je
me suis fait faire ça. Un grand black, va me répondre Didier. Et bah oui !
C’est Baba, le grand cireur de soulier parisien, méticuleux et appliqué, qui
s’est occupé de moi pendant que j’étais confortablement installé dans un
véritable fauteuil de barbier américain du 19ème siècle. Son salon, empreint
de sagesse, hymne à la lenteur, invitation au voyage est digne d’un temple
d’antiquaire où s’entasse bibelots art déco, bronzes bouddhistes, grosses
malles en cuir, où les livres sur l’Afrique et les tableaux éclectiques
s’affichent sur fond de tapisserie vermillon. Et Baba, il est là, à tes pieds,
à te cirer les pompes comme un politicien en quête de voix. Sauf que Baba il
est digne. Un monsieur, avec de vraies valeurs.
Et puis tient, comme on
parle de politiciens, et sachant que « la musique commence là où s’arrête
le pouvoir des mots » on va écouter tout suite Jacques Dutronc avec
l’opportuniste.
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