Instant Décalé # 41


L'instant Décalé


Olivier Dominguez

La journée du 15 juin étant le jour de la sainte Germaine, je trouvais donc de circonstance d’aborder la biographie de ce personnage, d’autant que depuis plusieurs jours, l’inspiration me fait défaut.
Dans l’éphéméride, Germaine est présentée comme la sainte patronne des faibles, des malades, des déshérités et des bergers. Je veux pas dire, mais ça sous entends quand même que les bergers sont des pauv’ ratés à moitié séniles. Bonjour le cliché ! Va donner aux gosses d’aujourd’hui l’envie de devenir berger avec ce genre d’insinuation. C’est pas parce qu’ils ont des tendances zoophiles, qu’il faut forcément les traiter de malade ou de faible. Au contraire. Essai de tenir écarter les pattes d’une brebis qui se débat, je peux te dire que t’as intérêt à avoir du biceps. C’est autrement plus farouche qu’une bonne sœur sous GHB.
Germaine de Pibrac, la sainte en question, fut retrouvée sans vie l’année de ses 22 ans, dans la cave dans laquelle elle vivait parquée depuis des années, dans un parfait état virginal. Squelettique, scrofuleuse, blafarde mais vierge. Elle fut enterrée dans le plus grand désintérêt jusqu’à ce qu’un conseiller des relations publics liturgiques la remette au goût du jour, 250 ans plus tard. Je résume là, mais s’il y a bien une chose extraordinaire dans cette histoire, c’est qu’au 16ème siècle, une gamine enfermée dans une cave et visitée par un barbu la nuit, dans son sommeil, soit encore vierge. De nos jours, en général hein, je veux pas stigmatiser tous les bourreaux, elle aurai déjà eu 17 gamins. Je me demande si, plus on avance dans le temps, plus on ne régresse pas.
Mais des Germaines, il y en a pleins d’autres. Des petites et des grandes, des grosses et des maigres, des vieilles et des vieilles. Des femmes pour la plupart, mais pas que. Il existe une tout autre race de Germaine, moins féminine et plus large du bassin, dont la Germaine Aisne fait partie. Germaine Aisne, c’est sans H mais avec un S. Je vous laisse réfléchir.
Didier, tu peux te curer le nez en attendant, parait que ça aide à réfléchir. Profite en maintenant, on sait que ça te plait d’enfoncer tes doigts dans des petits trous, si tu peux épargner nos invités pendant la séance photo, je préfèrerais. Je vous aurais prévenu les gars.
Alors Germaine Aisne, c’est un petit village que l’on appelle ainsi pour signaler son appartenance au département de l’Aisne. Je dis bien petit village car le gentilé ne dépasse pas les 80 péquenots. Malgré ça, ce minuscule hameau possède un club de foot, l’équipe de… Marie Sainte Germaine, bien sûr, avant-dernière du groupe 5 de la troisième division départementale à huit reprises consécutives. Jusqu’à ce que le CE de la coopérative fruitière investisse dans une pelouse neuve. Et là, à l’instar d’un club similaire au logo en forme de gode anal devant l’arrivée massive de pépètes pas très nettes, ce fut carnaval ! Mais carnaval dans la 3ème div de Picardie seulement. Pour le niveau supérieur, c’est une autre histoire.   
Ah Germaine… Germaine, on t’oubli pas. Germaine c’est un peu comme Madeleine… Simone… Marcelle...
Qui n’a pas une grand-mère qui s’est appelée ainsi. Personne. Tout le monde a eu une mamie au prénom d’un autre siècle. Bah oui. Qui n’a pas eu droit à sa mémé Raymonde, sa mémé Valentine et tant d’autres ? Je sais pas combien mais la question est intéressante. Si je dois calculer, à vue de nez, comme ça, le nombre de personne n’ayant pas eu de mamie au prénom qui renifle la naphtaline, je dirais… à peu près… 5 milliards 938 millions 523 mille 252 terriens. Ca fait beaucoup ! Surtout pour Francis Pêcheux, garde champêtre du domaine de l’étang fleuri à Lons le Saunier.
« Quoi !!??  Les ancêtres des hommes n’étaient pas gaulois !!! Boudiou ! Qu’est-ce que c’est que cette calembredaine ? »

Le gars passe ses soirées devant le journal de Tf1 et il se prend encore pour le centre du monde. Les pauvres, les désœuvrés, tous ceux qui ne lui gâchent même plus son souper, mérite-t-il qu’on les intègre dans le listing des gens quantifiables ? Bof.
« Re’prendrais bien une lampée de picrate pour finir ma tartine de calendos ! Font chier avec leur tiers monde. »
Sauf, bien sûr, sauf quand faut tremper sa petite queue toute mollassonne dans une africaine servile. Pour peu qu’elle ne soit pas trop défraichit, bah on va l’aider le tiers monde, hein !
Mais que fait Germaine, protectrice des miséreux ?  Ne serait-il pas temps de la ressusciter ?
Et si on pouvait, au passage, enterrer tous les stratèges de la propagande… Oups… les experts en relations publiques, et leur tour de passe-passe pour changer la merde en or et l’homme en con, ça me déplairait pas.
Allez, comme « la musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots » écoutons tout de suite Daran et Les Chaises avec « Dormir dehors »   

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